Je me souviens précisément du jour où j’ai rencontré l’écriture de Marine. Un des textes de ce livre était dans une revue. Je me souviens l’avoir lue sur un quai, sous la pluie. À la fin du texte, il ne pleuvait plus. J’ai observé un filet d’éclaircie dans le ciel et après, je n’étais plus là. Ça a duré moins d’une demi-heure. Cet instant que j’essaie de ramener au langage : le livre ne parle que de ça.
Après Dieu, l’idiot, caractérise cet instant après le « ravissement » où le langage (re)devient superflu. Une amie m’a écrit un jour ; « la grâce, c’est plonger par le haut ». Disons alors qu’il s’agit d’un chemin vers la grâce. Ce livre regroupe un ensemble de récits philosophiques, d’aphorismes, de narrations, de poèmes, mais il est surtout question de la grâce. Marine décrit avec une simplicité touchante des expériences proches des récits qu’en font les poètes mystiques. Je pense notamment à al-Hallâj quand Marine écrit « j’avais oublié mon nom » ou à Simone Weil dans la personne et le sacré ( un esprit enfermé dans le langage est en prison ) quand Marine médite sur les limites du langage.
Je ne pousserai pas la comparaison. Après Dieu, l’idiot reste un texte au caractère singulier, écrit par une femme en prise avec la modernité, la technologie, le sexe, l’art et la scène. En définitive, un texte sincère, dont l’étendue ne se révèle pas à la première lecture. Il faut, à mon sens, passant à travers la simplicité apparente de son écriture, se répéter les phrases, les aphorismes, pour en entrevoir la profondeur.