Il n’y a pas une notion à ce point à contresens de la modernité que la durée.
Nathaniel Molamba
Il n’y a pas une notion à ce point à contresens de la modernité que la durée. Le caractère de ce qui dure. La poésie par exemple, est tout entière une affaire de durée. De saisir dans la durée ce qui relève d’une manifestation des mouvements éternels. À tout moment, des mouvements éternels nous échappent car on ne peut entièrement concevoir des déplacements de dont on ne sait d’où ils viennent ni où ils vont, pourtant c’est ce que la poésie travaille à saisir. L’amour, la vie, la mort, la valse des arbres avec le vent, l’éclat des vagues contre la digue ; ceux-là sont des mouvements qui nous précèderont. Les observer consiste toujours en un temps d’arrêt qui établit une rupture avec la vitesse et avec la modernité.
Pourtant, en parlant d’un coucher de soleil comme de l’observation des arbres, des vagues ou même de l’amour, ce n’est pas tant cette observation romantique de la nature qui constitue le caractère anti-moderne de la poésie, c’est bien le fait que ces mouvements tels qu’on les observe sont figés, car cycliques. Ils s’installent dans la durée là où la modernité travaille plutôt à générer non pas de la durée, mais de la nouveauté. Nouveauté qui demain sera remplacée par une autre nouveauté et ainsi de suite.
Les images modernes ne s’intéressent pas à la durée. Elles ne sont pas faîte pour durer, mais pour faire acte d’une performance d’esthétique : il s’agit de conduire les sensations humaines vers des zones encore inexplorées de l’espace mental. De donner à voir le jamais vu, de briser les codes et de questionner. Ces images ne s’occupent pas de la durée et elles seront demain remplacées par d’autres images qui viendront les surpasser dans leur performance d’esthétique. Alors les avant-gardes deviennent de nouveaux modèles de consommation et les images modernes se créent et se détruisent à une vitesse toute technologique.
La poésie dans tout ça est, ne peut être qu’une initiative subversive. Déjà parce qu’elle prend à part le poète et le lecteur avec lui à l’extérieur de la modernité, dans l’intimité de ce qui s’inscrit sur la durée. Là où les images modernes travaillent à assembler des esthétiques pour poser des questionnements, elle vient suggérer des réponses simples.Et en tant que démarche tournée vers l’intérieur, la poésie ouvre la porte des silences méditatifs qui amènent la conscience de la durée, elle ouvre un espace où est rendue possible une rupture avec la vitesse technologique.
Et il n’y a pas une notion à ce point à contresens de la modernité que la durée. Pourtant, l’observation de ce qui dure ne travaille pas à critiquer la modernité ou à lui venir en subversion. L’étude des mouvements qui durent est une démarche du contresens. Il ne s’agit plus de critiquer la modernité, mais de créer en dehors du rythme moderne des espaces durables où sera rendue possible l’harmonisation des corps qui constituent l’Être et la transmission des savoirs.
Non, la durée était un sentimentle plus fugitif de tous,plus rapide souvent qu’un instantimprévisible, ingouvernable, insaisissable, immensurable.Et pourtant, grâce à elle,j’aurais pu, quel qu’ait été l’adversaire, lui rire à la figure, le désarmer.J’aurais transformél’opinion que j’étais un méchanten certitude :« il est bon ! »j’aurais été, s’il y avait un dieu,son enfant, le temps de sentir la durée.