Selon la vieille technique spectaculaire du trompe l’œil, les hommes et femmes politiques en place assument encore l’image d’un pouvoir qui les a pourtant quittés.
Le politique, ministre ou député, n’est en réalité, et plus que jamais, qu’une simple boite autour de la machine.
Identifier le pouvoir, c’est identifier les lieux où la machine règne déjà sans fard.
Prenez une rue – vous voulez traverser mais le feu est rouge. Ce signal rouge vous renvoi un stimulus qui vous dit : « vous êtes potentiellement en danger. » Le feu passe au vert. Vous traversez. La machine à commander à votre corps.
Vous entrez dans le métro, à présent, et vous pointez votre abonnement pour passer le portique. Un certains nombre de flèches au sol vous indique le chemin, et vous suivez, machinalement, la file qui avant vous avait passé le portique, machinalement. Une voix vous parle :
« Veuillez à ne rien oublier en station… »
« Veuillez monter à l’avant et descendre à l’arrière… »
« Pour la convivialité de chacun nous vous rappelons qu’il est interdit de boire, de manger et de fumer dans la station et à l’intérieur du véhicule… »
« Attention, on nous signale la présence de pickpockets… »
La machine vous parle. Elle vous donne des ordres polis depuis des mégaphones disposés de telle manière à ce que vous ne puissiez pas ne pas les entendre.
De fait, vous n’avez rien oublié dans la station.
De fait, vous êtes monté à l’avant du véhicule
De fait, vous n’avez ni bu, ni mangé, ni fumé
De fait, vous avez observez vos voisins avec suspicion.
Vous quittez la station, à présent, en empruntant l’escalator plutôt que l’escalier. Vous vous rendez à votre taf. En arrière cuisine, une salle est dévolue à la plonge du restaurant. Une grande machine roulante distribue assiettes et couvert, plats et casseroles. Pendant toute la journée, vous suivrez le rythme qu’impose la machine. Un rythme assez lent que pour vous permettre de réaliser votre taf. Un rythme assez rapide que pour vous maintenir dans un état constant de stresse.
Un ingénieur a pensé cette machine. Il a pensé son rythme. Mais c’est la machine elle-même qui donne les ordres et ordonne à vos mouvements, aux battements de votre cœur, a la cadence de vos pas . L’ingénieur n’est pas Dieu – ou alors il est un Dieu limité par la Création. L’ingénieur est avant tout un inventeur de situations matérielles et psychologiques créatrice de conditions sociales et corporelles, limités par la technique. La question alors se pose : est-ce l’ingénieur qui commande à la technique, ou la technique qui commande à l’invention de la machine ? L’ingénieur est un technicien du pouvoir et le pouvoir est devenu – situationniste !
Après le taf vous avez été cherché vos mômes à l’école : vous êtes arrivé un peu en avance et la sonnerie de fin de cours a retentie. Les enfants sont sortis à son ordre. Vous arrivez enfin chez vous. Après quelques menues banalité quotidiennes, vous constatez qu’il est 20h. L’heure du journal télévisée. Vos enfants veulent vous parler, mais ce reportage sur la diminution du cout des voyages en Espagne est plus intéressant que leur récit. Vous leur dite se taire. La machine à fait fermer leurs gueule à vos mômes.
Quelques menues banalités et un mauvais film plus tard, l’horloge numérique vous indique qu’il est temps de coucher vos mômes. Car une autre machine les réveillera demain matin pour aller à l’école. La machine vous a rendu la paix. Mais bientôt, elle vous ordonne d’aller vous coucher vous aussi. Car vous serez, vous aussi, réveillé par elle demain matin.
Vous avez, toute votre journée durant, obéit à des mécanismes. Aucun flic, aucun maitre à fouet, n’a abattu sur vous de violence. Pourtant vous avez obéit.
La machine est le nouveau temple aux idoles : temple diffus qui partout diffuse les légendes du pouvoir, la cosmogonie mystique du rationnel triomphant par son éternel dépassement. La machine vous commande au nom du bien – pour vous éviter le mal.
A l’instar du clocher qui découpait jadis les jours selon la temporalité chrétienne des offices et des prières, la machine à découpé votre vie selon la temporalité fétichiste de la marchandisation : le temps s’est découpé en instants où vous achetez et en instances pour vous vendre en tant que marchandise.
Vous avez été boire un verre avec cette personne qui vous plaisait. A chaque vibration de son téléphone elle a cessé de vous écouter pour répondre à l’injonction de la machine. Cette personne a alors signifié qui de vous ou de la machine est le plus important : elle agit comme une dévote qui, entendant sonner complies interromps tout activité pour égrainer son chapelet de prière. ON la sonne, comme on sonnait les fanatiques et les domestiques. La machine vous dénie.
La machine est le lieu d’un nouveau temple où les marchands sont confondus avec les prêtres. Il ne s’agit plus de chasser les marchands du temple, mais de cramer le temple dans son ensemble – pour n’en plus reconstruire !
Saboter une machine est un acte de démystification du monde. D’ailleurs, si vous avez été si choqué de voir cramer cette voiture, l’autre jour à la télé, c’est uniquement parce qu’on a profané VOTRE temple. Les images de guerre ne vous choquent plus vraiment. L’esclavage en Lybie vous semble avoir toujours existé ; ces êtres martyrisés sont des marchandises elles aussi, mais de basses marchandises, sans trop de valeur symbolique. Ils sont de ces objets sacrés que l’on peut profaner sans trop de problème. En cela vous êtes libéral ; résolument libéral ; la marchandise humaine est de plus en plus abondante, comment des lors sa valeur ne pourrait-elle pas chuter ?
La voiture quant à elle revêt le déguisement de l’abondance pour mieux exprimer sa rareté réelle – rareté symbolique et non quantitative en ce qu’elle est toujours un stade de l’expression de votre réussite – stade qu’il convient de dépasser toujours. Vous qui prenez le métro, vous vous imaginez la chance qui serait la vôtre, la liberté qui vous serait assuré par l’achat de ce fétiche-là.
Vous vous indignez donc, qu’on puisse bruler une voiture.
Vous vous êtes indigné aussi, que tels « jeunes » aient pillé tel magasin
Comme on s’indignait du blasphème et de l’hérésie.