Un texte signé Nathaniel Molamba au cours d’un atelier proposé par François Bon
Nous étions, dans une autre vie, des êtres faits de brumes et de silences.
Au réveil, des éclats d’étoiles écumaient sous tes paupières.
J’ai l’image de ton ventre poli où s’érigeaient autrefois les cannelures ivoire d’un temple phénicien.
J’aimais y promener mes yeux, laisser mes yeux dévaler tes courbes en roulant et se perdre au milieu de tes dunes de sable nacrées.
J’ai habité pendant longtemps un gisement de quartz bleu dans le creux de ton épaule gauche.
Un matin j’ai déménagé derrière ton oreille pour m’abriter du Semun et du mistral blond qui battait la houle et faisait danser tes mèches couleur cacao coffee.
C’était la saison des amours, l’aube des incertitudes.
La nuit je déroulai ma langue comme une longue corde, c’était marrant.
Je te déliai des poésies sur de longs ticket pour que tu m’ouvres la porte de tes Bermudes
T’en souviens-tu ? Il faisait vanille, même que le beurre était un peu mou.
Il glissait parfois sur tes hanches et nous restions des heures entières à chasser les fantômes qui hantent ton triangle.
Et ensuite ?
Ensuite les heures ont commencé à se ressembler.
Des cerisiers fleurissaient sur ton galbe chamarré de zébrures par le tonnerre.
Des lignes mauves, jaunes et rouges couraient sur ton dos et tes épaules, et enfin ces mêmes cerisiers voyaient leurs fleurs tomber.
Je n’avais même pas écrit un vers.
Je me suis levé un matin, quand l’aube avait déserté ton regard
Tu n’avais plus de nez ni de jambes, plus de côtes
Un horizon pâle avait remplacé ton rire
Je pense que ce matin-là je suis tombé dans un vide couleur minuit
J’ai pleuré de mi lune à croissant bleu
Et plus tard, les scribes de la quatrième Babylone devront enseigner aux enfants du ciel comment mes larmes de sève ont fait éclore les océans du dernier monde.
L’eau nous est montée jusqu’au cou.
Et tu toi tu as cessé d’être
D’autant diront que tu es allée naître ailleurs,
Je n’ai jamais su, peut-être…
Disons en vérité que je n’ai jamais voulu savoir.
Et j’ai perdu ma substance, moi aussi
J’ai cessé d’être pour renaître dans une autre vie où nous sommes :
Des êtres de chairs et de passions, de doutes et de certitudes,
Habitants des extrêmes,
À plein temps funambules entre les limites de deux mondes.
Nous nous sommes retrouvés dans cette vie
Ici, avec de vrais cernes sous nos paupières, de la vraie chair sur nos ventres, de la vraie peau sur notre dos, et par dessus le tout
Le désir
Celui qui enveloppe, qui rapproche, qui attire, qui détruit
Et l’incompréhension, parfois, la grâce des instants, aussi…
Dis-moi, pourquoi avons-nous accepté de devenir mortels ?
De remonter le cours du Styx, vies après vies, pour nous réinventer un nouvel éphémère
Et n’être en cela ni plus ni moins que des demi-êtres.
Incarnés dans le linéaire
Et de l’autre moitié
Dans l’éternité.
NM.