Théologie négative chez Tarkovski

Publié par le 9 février 2024#!31Mer, 16 Oct 2024 13:42:08 +0200p0831#31Mer, 16 Oct 2024 13:42:08 +0200p-​1Europe/​Brussels3131Europe/​Brusselsx31 16pm31pm-​31Mer, 16 Oct 2024 13:42:08 +0200p1Europe/​Brussels3131Europe/​Brusselsx312024Mer, 16 Oct 2024 13:42:08 +02004214210pmMercredi=493#!31Mer, 16 Oct 2024 13:42:08 +0200pEurope/Brussels10#octobre 16th, 2024#!31Mer, 16 Oct 2024 13:42:08 +0200p0831#/31Mer, 16 Oct 2024 13:42:08 +0200p-1Europe/Brussels3131Europe/Brusselsx31#!31Mer, 16 Oct 2024 13:42:08 +0200pEurope/​Brussels10#Accueil, Questionner l’essence

Extrait de « La Célébration du Mystère de l’Être » par Michel-​Maxime Egger.

Dieu est pour Tarkovski l’expression de l’Absolu qui est au-​delà de l’être et qui le fonde, qui tout à la fois le dépasse infiniment et est présent au plus intime de son cœur. Un Absolu « personnel » – auquel on s’adresse par la prière – et « cosmique » qui se manifeste dans la nature sous forme d’énergie et d’intelligence (l’océan de Solaris).

Andreï Tarkovski – Solaris, février 1972

La « théologie » de Tarkovski est apophatique. Dieu est fondamentalement mystère. C’est le Tout Autre, transcendant, au-​delà de tout, inconnaissable, ineffable, indéfinissable, insaisissable. On ne peut parler de Dieu, ou, plus précisément, Il est infiniment au-​delà de tous les mots et concepts humains. 

La théologie apophatique , également connue sous le nom de théologie négative est une forme de pensée théologique et de pratique religieuse qui tente d’ approcher Dieu , le Divin, par négation , pour ne parler qu’en termes de ce qui ne peut être dit.

Dieu et autres êtres nécessaires , Encyclopédie de philosophie de Stanford

Il en va d’ailleurs de même de l’être de l’Homme et de la création, dont Dieu est la vérité ultime. L’iconographe Théophane le Grec l’explique au moine Kyrill : « Chaque réalité contient dans son essence quelque chose qui échappe à la description » (Andreï Roublev). Il vient un moment où la raison humaine doit rendre les armes, accepter qu’il existe des questions sans réponse. « Une question, c’est toujours un désir de savoir, et pour préserver les simples vérités humaines, il est besoin de mystères. Mystères du bonheur, de la mort, de l’amour », affirme Kris, le héros de Solaris. La dimension profonde, mystérique, des choses relève du sacré. Et celui-​ci n’obéit pas à la « logique du triangle ABC », pour reprendre l’expression de l’Écrivain dans Stalker.

Andreï Tarkovski – Stalker, mai 1979

On n’y accède donc pas par l’intelligence rationnelle et discursive, mais par l’intellect-esprit uni au cœur, dans une saisie intuitive et globale qui fait la nique aux déductions et argumentations savantes. Une approche par la contemplation, la prière, la méditation qui permet à la conscience de sortir de la dualité sujet-​objet. Un mystère, contrairement à une énigme, cela ne se résout pas, ne s’explique pas, ne s’élucide pas d’une manière rationnelle. Cela s’explore, se met en scène et en lumière, se célèbre. Poétiquement et symboliquement.

Andreï Tarkovski – Le sacrifice, mai 1986

Si Dieu est mystère, Il n’est pas pour autant inaccessible. Transcendant et au-​delà de tout son essence, Dieu est aussi immanent, intérieur à l’Homme par ses énergies. Il parle par son Verbe, est présent par son Esprit, se révèle dans sa Sagesse, mais les hommes sont le plus souvent trop sourds et aveugles pour le voir et l’entendre. C’est ce que Tarkovski montre dans Nostalghia, le seul de ses films où Dieu se manifeste clairement. La voix du Créateur résonne dans l’espace immense d’une cathédrale gothique en ruines :

« Seigneur, ne vois-​tu pas comme il t’implore ? Fais-​lui sentir ta présence. – Je la lui fais sentir, mais c’est lui qui ne s’en aperçoit pas. – Pourquoi ne lui dis-​tu pas quelque chose ? – S’il entendait ma voix, que se passerait-il ? »


Michel-​Maxime Egger ( 2018 )