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Carnet ouvert / pâle partout.

By le 5 décembre 2019avril 4th, 2023Narrations, Poèmes

T’es-tu déjà demandé, si tu ne devais voir qu’une couleur, à choisir, ce serait laquelle ? J’en discutai avec Vincent. Pour peindre il commence par lancer une tâche avec la peinture qui lui tombe sous la main. Il réfléchit à partir de l’imposition de cette première couleur. La question est éludée. D’autres artistes sont désarmés à la vue des possibilités d’une page blanche. Pour moi c’est différent, pour écrire je commence par convoquer intérieurement la texture du silence. Et qui te dit que si le blanc était un son, ce serait le silence ? Comme chaque couleur est une vibration, un phénomène ondulatoire, si le blanc est l’ensemble de chaque variations chromatiques, la couleur blanche ne peut pas correspondre au silence, au mieux à une extase. Il est des extases qui ne peuvent s’accueillir que dans le silence. Pense à l’instant suspendu qui précède l’orgasme ou l’évanouissement, tu vois blanc avant de tomber.

À moi le blanc évoque le Soleil d’hiver, la bise et la tramontane. La clarté rasante des derniers jours de novembre, les matins qui durent jusqu’à seize heures, ces ciels dont on ne perçoit plus l’éther. Les journées sans heures m’évoquent la sensualité, la lenteur.

Troisième décembre en état d’hypnose
tend la main et ne voit que le blanc
chemine aussi loin que le monde peut aller
au bout du chemin, rien sinon toi
Perce le brouillard
dos au nombre
la route sous tes pas s’efface
marches à la suite de ton ombre
ton reflet vient à ta rencontre
De ton soleil assassiné
le spectre passe pâle
perce l’encéphale crymogène
dans le gaz perpétuel
Cendre sur les promesses d’un ciel certain
un matin il te faudra répondre :
 » Dis-moi papa, pourquoi le ciel n’est pas ? »
qui seras-tu pour dire
sept ciel plus bas que rien
qu’une civilisation entière a échoué à devenir ?

Au matin du trois décembre c’est pâle partout
j’ai avalé les heures
le jour s’éveille en état de choc
le Dieu-Soleil cyclope
passe nous faire coucou
et d’une nuit tout s’étreint
toi tu viens à ma rencontre :

Rendez-nous les saisons
Rendez-nous les hivers que vos villes ont rendus fous
Rendez-nous l’aurore claire et bleue des matins sans réverbères
Rendez-nous les soirs noirs.

Je me suis réveillé le lendemain matin, qu’est-ce que ça fait d’avoir comme arrière-goût une impression de fin du monde en se levant, on sait que d’une nuit tout peut s’éteindre et pourtant il faut recommencer chaque jour, rassembler de quoi peupler le réel. Tu m’as demandé un matin si je ne devais voir qu’une couleur à choisir, ce serait laquelle. J’ai pensé ceci, devant la feuille blanche on a nos solutions, il y a ceux qui font le vide, qui respirent, , mais rien ne doit arrêter la transe du dire. Je n’ai plus le vertige. Le Soleil se lèvera encore quand la plus haute tour de babel s’érodera six ciels sous l’eau, comme s’érodera le béton d’Amazonie. Ce jour-là, je te trouverai et d’un jet blanc sur l’infini, nous nous repeuplerons.


N.M.