Un poème extrait de la sixième anthologie des poèmes du Mot : Lame, Nos Périodes — VI — Menstruations. Image extraite du film : Le Songe d’une nuit d’été par William Dieterle et Max Reinhardt, 1935.
Nathaniel Molamba
Avril
Elle : Je sens que je vais les avoir
Lui : Comment tu le sais ?
*bruit des mers*
Il t’arrivait de m’inviter au sommet des collines
Nos trajets étaient longs
tu ne disais rien
La marrée parlait à travers toi.
Mercredi
Elle : J’ai du retard.
Lui : C’était quand la dernière fois ?
Tu n’étais pas d’accord pour dire : le Soleil va se coucher
tu trouvais le mot « coucher » inadéquat
passer te semblait plus correct
un jour, tu m’as écris
on va voir le passage ?
et notre trajet continué
*en silence*
Lui : J’ai toujours aimé t’accompagner en haut des collines.
Tu m’as demandé s’il était possible d’inverser les rôles du soleil et la Lune
Elle veillera sur nous
Il ne fera que passer
J’ai répondu : intéressant.
Deux jours avant
on s’était déjà attachés à faire, à défaire ce trajet
à monter, à descendre
à mourir, à renaître.
Elle : Et nous avons grandi ensemble.
Moi j’ai appris qu’il y a un temps pour cueillir les mangues
et un temps pour remercier la terre.
Mes parents m’ont toujours interdit de pleureur en public,
pourtant personne ne m’a jamais dit « je suis là si tu veux parler ».
*Coton-candy manjiin buu*
Toi tu as appris qu’il y a un temps pour montrer les crocs
et un temps pour regarder passer les loups
on ne t’a pas non plus appris à parler aux vagues
On t’a toujours fait croire que tu devrais te cacher pour saigner
Premier croissant
Tu as maquillé tes yeux d’un bandeau écarlate qui couvre ton regard.
Est-ce pour y voir plus clair ou pour remettre à la vue de tous
ce qu’ils veulent que tu caches ?
Deuxième jour
Nous avons passé l’âge de penser que l’eau est rouge parce que tu t’es blessée en t’asseyant sur la cuvette.
Pleine lune
Je vais mourir, naître, mourir et re-être, renaître-mort, et je vais naître et te retrouver, encore, être mort, naître mourir et renaître
me croire immortel et une dernière fois mort.
Heure dorée
C’est comme si chaque présence habitait mon intimité. Dans ma tête l’écho des pensées ricoche. L’esprit est un grand désert, je marche, cherche, ressens, hurle.
Crépuscule nautique
Le Soleil est passé et j’ai tout appris de tes genoux
Les oiseaux sont bleus
Les sorcières se réunissent autour de l’idole
Quelque part un enfant pense que les nuages sont le reflet de l’écume et qu’il suffirait d’accrocher au ciel des étoiles de mer pour affirmer haut et fort que la vie est un théâtre, que le genre est un rôle, une histoire de croque-mitaine…
*bruit des mers*
Le jour d’après
Assis aux pieds des collines
Le passage étends l’ombre sous nos pas
Les envies dans ton regard enseignent
Eux : J’ai tout appris de toi
Nous savons désormais que l’oraison des vagues est l’appel à l’horizon de nos côtes.